Lou Escobar, la force du regard

 

Si son nom sonne comme celui d’une héroïne de film, ce n’est peut-être pas un hasard. Le parcours de Lou Escobar a toujours été rythmé par une quête de l’ailleurs et de l’inconnu nourrie par les films et feuilletons des années 90 avec lesquels elle grandit. Depuis sa banlieue natale, la jeune franco-espagnole sait qu’elle ne suivra pas une voie conventionnelle. La société traditionnelle, très peu pour elle. Son American Dream se dessine sur la côté Ouest où Lou s’essaye pour la première fois à la photographie. Depuis, l’artiste de 32 ans trace sa route et dessine au fil des ans une imagerie puissante, colorée et sexy, fortement inspirée du cinéma. Une esthétique radicale, graphique et tranchante qui fait de cette passionnée de l’image, l’une des étoiles montantes de la scène internationale.

 

À 32 ans, tu es photographe et réalisatrice, as-tu toujours voulu suivre cette voie artistique ?

Non pas du tout. J’ai commencé la photo par hasard, (même si je ne crois plus trop au hasard). Je me suis longtemps posé beaucoup de questions sur mon avenir. J’avais peur d’intégrer un système, d’y être contrainte et bloquée à vie. Avec le recul, je pense que beaucoup de mes peurs étaient liées à des projections personnelles, quand je voyais mes parents se lever chaque jour à cinq heures du matin puis revenir tard le soir. Quand j’ai commencé à être payée pour faire de la photo, j’ai vite compris que je voulais en faire mon métier. Mais j’ai dû taffer, vraiment taffer pour y croire et y arriver.

 

Tu grandis avec ta famille en banlieue parisienne, puis à la campagne, et déjà tu rêves de t’évader. Y-a-t-il eu un moment marquant dans ton parcours où tu as compris que tu allais faire de la photographie ton métier ?

 

Oui, lors d’un voyage aux États Unis, une grande marque m’a contacté pour que je lui envoie des photos pour une campagne. A cette époque-là, je partageais juste mes photos sur Instagram pour mes proches. Quand c’est devenu concret et que j’ai commencé à être rémunéré pour mon travail, j’ai tout de suite su qu’il fallait que je persévère pour tenter d’en vivre. J’ai dû croire en moi et tout donner.

@lou__escobar
@lou__escobar

Tu parles souvent du rôle du hasard et de tes rencontres dans l’évolution de ta carrière, y-a-t’il une rencontre qui a changé ta vie ?

Toutes les rencontres que j’ai faites ont changé ma vie. Par principe, je pense que grâce au contact de l’autre, tu apprends beaucoup sur toi, tu changes. Mais s’il y a une rencontre cruciale que je fais en ce moment, c’est avec moi-même.

 

Quel est le shooting qui t’a le plus marqué depuis tes débuts ?

Chaque shooting que j’ai fait a été marquant à sa façon. Je vais donc parler du dernier qui était fou, puisque c’était avec Pharrell Williams. On m’a contacté trois jours avant pour faire la cover d’un magazine anglais et une série. Sur le moment, je n’ai pas du tout réalisé ce qui se passait, j’ai foncé à Paris pour le shoot. Ce genre de projet créatif last-minute, c’est challengeant, mais photographier une icône comme Pharrell, c’est vraiment incroyable. Cette expérience m’a aussi rappelé pourquoi j’avais choisi de faire ce métier. Je ne mesure toujours pas ma chance aujourd’hui, c’est bien de me le rappeler à l’occasion.

 

Tu es une enfant des années 90 et tu confies avoir été biberonnée aux feuilletons et films de cette décennie, avec un certain tropisme pour le continent américain et les films de Tarantino. Quelles sont tes sources d’inspirations ?

Je pense que j’en ai plusieurs. Il n’y en a pas une moins importante qu’une autre. Les gens m’inspirent beaucoup, j’ai toujours aimé observer et comprendre ce qui m’entoure. Il y a la réalité aussi bien-sûr, mais aussi les films, les voyages et les rencontres.

 

Peux-tu me parler de ton processus créatif, comment prépares-tu une photographie ou une série ?

Tester de nouvelles choses, rater puis recommencer.

@lou__escobar

Tes photos sont souvent empreintes d’une touche vintage, y a-t-il une décennie ou un âge d’or qui te font rêver ?

Je crois juste que j’aime certains objets ou décor du passé car ils me racontent plus facilement une histoire, mais je ne suis pas attachée à une époque plus qu’une autre. Après je suis forcément plus influencée par le décor des années 90 et 2000, car c’est mon enfance.

 

Souhaites-tu délivrer un message particulier à travers tes images ?

Je ne réfléchis pas à ça quand je fais des photos. En fait, avant toute chose, je vais faire ce qui me touche, me parle, m’intrigue et m’intéresse. Mais je laisse l’observateur observer. Chacun d’entre nous a ses propres lunettes pour voir une photo comme il l’entend ou comme il la ressent. Chacun y voit le message qui résonne en lui.

 

À l’heure du tout-digital, accordes-tu encore de l’importance au papier ou à l’objet ? Ou bien es-tu définitivement une digital addict ?

Ni l’un ni l’autre. Je trouve que le digital a ses atouts et que le papier reste incroyable.

 

Les protagonistes de tes photos sont souvent des figures féminines fortes avec un style affirmé, cool et sexy. Tu collabores d’ailleurs parfois avec le milieu de la mode, quel est ton rapport à cet univers et au style ?

La mode selon moi permet de réunir, de rassembler et d’agir en équipe. Je m’en sers pour embellir ce que je photographie, ce que je filme. C’est une porte d’accès intéressante pour créer mais c’est aussi un univers à double tranchant. Je n’y suis pas forcément attachée plus que ça, je vois plutôt la mode comme un moyen.

 

Quel est le lieu où tu te sens le mieux ?

J’ai vécu en Espagne pendant deux ans et je rêve d’y acheter une maison. J’aimerais un lieu convivial pour accueillir mes proches, un lieu où je me sente bien pour me ressourcer et pour créer.

@lou__escobar

Le voyage est au cœur de ton processus créatif, c’est important pour toi de découvrir de nouveaux horizons pour nourrir ton travail et ta créativité ?

Absolument, sans les voyages je n’aurais jamais pu faire ce métier, et je crois que c’est ce qui m’a le plus aidé à créer justement. Aujourd’hui, je rêve du Japon. J’avais un billet en main avant le Covid. Affaire à suivre…

 

Quel regard portes-tu sur notre époque ?

Je ne suis pas du tout nostalgique d’une époque. Vraiment pas. Oui, je suis optimiste, tout est à sa place selon moi.

 

Quel est le meilleur conseil que l’on t’ai donné dans la vie ?

People don’t have to like you, people don’t have to love you and they don’t even have to respect you, but you when you look in the mirror you better love what you see.” (“Les gens n’ont pas à t’aimer, les gens n’ont pas à t’apprécier et ils n’ont même pas à te respecter, mais toi, quand tu te regardes dans le miroir, tu as intérêt à aimer ce que tu vois.”)

 

Passionnée de cinéma, je crois que tu as pour objectif de réaliser ton premier long-métrage. Quel serait ton plus grand rêve cette année ?

Faire des projets créatifs, avoir le temps d’être avec mes amis et ma famille. Prendre le temps de manière générale.

 

Que peut-on te souhaiter pour la suite ?

Vivre.

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01/08/2024

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