Culture
14/11/2024
Dalla Menanteau Ba
Depuis 2016, ComplexCon n’est pas juste un festival : c’est un thermomètre de la culture urbaine, une vitrine pour les marques, et un symbole des dynamiques sociales de la jeunesse contemporaine.
À chaque édition, ce rendez-vous capte l’air du temps : de l’ascension du streetwear comme moteur culturel aux limites d’une hype devenue business.
Pour toi, on a établis l’évolution de ComplexCon, de ses up and down avec son influence mondiale en tant que phénomène culturel et révélateur d’une génération en quête de sens.
2016 : LA NAISSANCE D’UNE PUISSANCE CULTURELLE – L’AVÈNEMENT DU STREETWEAR EN TANT QUE PHÉNOMÈNE
Dès sa première édition, ComplexCon pose les bases d’un phénomène : ce n’est pas seulement un lieu consumériste, mais bien une safe place d’incarnation de la street culture. Nous sommes en 2016, et Hypebeast et Supreme dominent, donnant naissance à une communauté de “sneakerheads” et de collectionneurs pour qui la mode devient une affirmation identitaire. ComplexCon réunit Pharrell Williams et Takashi Murakami pour un lancement spectaculaire, légitimant le streetwear comme un pilier de la culture pop moderne.
En offrant aux jeunes une scène où la mode, l’art et le hip-hop se mêlent, ComplexCon devient un lieu d’appartenance et de validation culturelle. Les valeurs de la rue — authenticité, créativité brute — sont intégrées dans les discours des marques. Cette première édition cristallise le désir d’être « vu » en tant qu’individu, et ComplexCon canalise cette aspiration dans un espace où chaque visiteur devient acteur de la culture.
ComplexCon introduit un concept de rareté amplifié : Supreme, BAPE, et Off-White proposent des collabs uniques. La consommation devient un acte de distinction sociale, renforçant la naissance de la culture resell.
Une machine est née.
2017-2018 : LE STREETWEAR COMME INVESTISSEMENT ET LE DÉCLENCHEUR DU RESALE
En 2017-2018, ComplexCon accélère l’ascension du resell, transformant la culture sneaker en marché parallèle où chaque pièce limitée devient un actif, le principe de FOMO est à son apogée. L’événement devient un sanctuaire de la rareté, où les Nike, Off-White et autres collaborations attirent des foules prêtes à camper pour quelques produits. ComplexCon est devenu une place de marché et une bourse de la hype.
En parallèle de ComplexCon, le streetwear devient un nouveau langage financier. La génération millénaire, souvent en quête d’indépendance économique, trouve dans le resell une opportunité d’entreprendre, de faire du bénéfice. Pour cette jeunesse, les sneakers sont devenus des actifs à revendre. ComplexCon catalyse ce mouvement en rendant la culture resell mainstream.
Au-delà de son impact financier, le festival americain devient un lieu de réseautage et de validation sociale. Il attire également des créateurs et des artistes émergents, des entrepreneurs en herbe qui voient dans cet événement un lieu pour se connecter, s’inspirer, et accéder à des collaborations inédites. Les panels avec Pharrell, Pusha T et Jaden Smith abordent des thèmes comme l’entrepreneuriat et l’innovation, transformant l’événement en plateforme d’apprentissage.
2019 : L’APOGÉE ET LES EXCÈS DE LA HYPE
2019 représente le point culminant de ComplexCon. Les collaborations sont plus audacieuses, l’art et le streetwear s’entrelacent avec le luxe, et l’événement devient un microcosme de la culture de consommation de masse. Murakami revient avec des installations monumentales, et les collaborations avec Union Los Angeles, BAPE et Levi’s transforment chaque stand en un happening artistique.
ComplexCon devient le miroir d’une époque où la mode et l’art fusionnent avec le luxe pour générer une nouvelle forme de « capital culturel ». Ce que l’on porte n’est plus un choix personnel mais un symbole d’appartenance et de statut. ComplexCon devient le symbole d’une société où la jeunesse consomme pour exister et exister pour consommer.
L’année 2019 voit également la montée en puissance des plateformes de resell comme StockX, qui transforment chaque drop en événement spéculatif. ComplexCon catalyse une bulle spéculative, où le désir de possession se transforme en une frénésie de revente. Les prix s’envolent, et le streetwear devient pour certains un investissement plus qu’une passion.
En 2020, la pandémie force ComplexCon à expérimenter avec ComplexLand, un espace virtuel où la hype reste intacte malgré l’absence physique. Cet espace digital attire un public international, mais la perte de l’énergie brute des foules laisse une question en suspens : la culture peut-elle survivre sans interaction humaine ?
2021-2022 : FATIGUE ET REMISE EN QUESTION
En 2021 et 2022, ComplexCon connaît un tournant critique. Alors que les installations et les produits continuent de se multiplier, l’événement perd de sa fraîcheur. Les critiques se multiplient : ComplexCon est-il devenu un marché à la chaîne, perdant de vue les valeurs d’authenticité et de créativité qui l’avaient rendu si unique ? La hausse des prix et l’obsession de la consommation exclusive alienent les jeunes fans.
La nouvelle génération, sensible à des valeurs d’inclusion et de sens, commence à rejeter l’idée d’une consommation frénétique. Les jeunes veulent du contenu plus profond, de la sincérité. La street culture, qui incarnait la rébellion, semble ici déformée par une logique de marché. ComplexCon fait face à une crise d’identité : trop focalisé sur la hype, il est devenu un lieu de consommation et de spéculation plus qu’un laboratoire créatif. Les valeurs initiales d’authenticité et de représentation culturelle semblent s’effacer.
Les critiques pointent un événement devenu un « business de la hype », et Complex doit repenser l’essence même du festival pour rester pertinent. Le rachat de ComplexCon par BuzzFeed montre un changement de stratégie, un besoin de se reconnecter avec son public.
2024 : CACTUSCON – VERS UN NOUVEL ÂGE D’OR OU UN DERNIER SOUFFLE ?
Pour regagner sa place, ComplexCon opère un tournant radical : Travis Scott devient directeur artistique, et l’événement, rebaptisé CactusCon pour l’occasion, s’installe à Las Vegas aka Sin City. Cette nouvelle version, racheté par Network, cherche à renouer avec les origines de la culture contemporaine, en redonnant au festival son essence d’avant-garde et d’expérimentation.
Travis Scott, icône pour la Gen Z, insuffle une énergie rebelle et avant-gardiste, un retour à la créativité brute. CactusCon propose une immersion totale, avec des concerts enflammés de Playboi Carti, des apparitions de piliers culturels avec Central Cee, – modèle pour la génération alpha -, Snoop Dogg, ou Sexxy Red, des collaborations exclusives avec Sorayama, Bape, Murakami, et des after party de folie et un univers digital avec portails vers le métavers et réalité augmentée. Ici, la hype est moins monétaire, plus sensorielle.
Révolution ou dernier souffle ? En confiant l’événement à Travis Scott, ComplexCon cherche à redevenir une plateforme d’expression culturelle. L’enjeu est clair : reconnecter l’événement à la jeunesse, redéfinir l’hype comme une force d’émancipation créative, et rappeler à tous que la street culture est bien plus qu’une simple transaction.
Ce que cela représente pour l’avenir : CactusCon, c’est le pari de ramener l’authenticité dans un univers devenu ultra-commercialisé. Le festival vise désormais à réancrer la street culture dans des valeurs d’audace et de diversité, en s’adaptant aux attentes d’une génération qui cherche moins à consommer qu’à s’exprimer.
Avec cette trajectoire, si CactusCon parvient à redéfinir la hype comme un catalyseur d’émotions et de créativité, ComplexCon pourrait bien se réinventer et regagner son statut iconique. Sinon, il pourrait simplement devenir un souvenir d’une époque où la culture urbaine a su capter les rêves d’une génération.
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